Un entretien avec Bertrand Puard

A l’occasion de la gazette saisonnière Un été 2023 chez PKJ et du lancement de la nouvelle série Le club des aventuriers, Bertrand Puard a accepté avec joie de répondre à ce portrait. Auteur également de L’école des Mousquetaires, nous lui avons posé des questions sur ses deux séries en cours aux éditions Pocket Jeunesse.

L’école des mousquetaires

Tu es un passionné et expert de l’œuvre d’Alexandre Dumas – qu’est-ce qui te séduit le plus dans son univers ?

Tout d’abord, il s’agit d’un coup de cœur de lecteur, et de jeune lecteur puisque j’ai découvert Alexandre Dumas à l’âge de neuf ans avec les Trois Mousquetaires. J’ai immédiatement été séduit par ses récits d’aventures où tout va très vite, et où on trouve de multiples mystères, des complots, des personnages très forts. En plus, cela me permettait d’apprendre des pans entiers de l’Histoire de France sans avoir le moindre effort à faire ! Dumas reste un maître pour moi, j’adore l’énergie qui transpire de ses romans.

D’où t’est venue cette envie de créer une école mixte de jeunes recrues ?

Je ne me voyais pas ouvrir une Ecole des Mousquetaires avec seulement des garçons, sachant que je voulais composer une jeune fille très courageuse et fine lame, Eva. Alors, certes, on peut dire qu’il s’agit là d’un anachronisme, car, en effet, il n’y avait aucune Mousquetaire du sexe féminin, mais j’ai pris cette licence en pensant à Alexandre Dumas et ses héroïnes très fortes, aux caractères bien trempés. Il lui arrivait souvent de tordre l’Histoire, la réalité, pour le bien de ses romans.

Le rôle de Ketty est essentiel : une envie dès le départ de lui accorder de l’importance dans la série ?

Oui, tout comme d’Artagnan ! J’ai vraiment adoré reprendre le personnage de la servante de Milady ainsi que celui du quatrième Mousquetaire. Tout d’abord en hommage à Dumas, et puis pour inscrire mon récit chronologiquement dans la trilogie des Mousquetaires : il se déroule quelques mois avant le début de Vingt-Ans Après. J’aurai bien fait apparaître Milady également mais elle était passée de vie à trépas quelques années plus tôt…

Enquête et aventure se côtoient dans une histoire riche en rebondissements. Est-ce que le rendu correspond à ton envie initiale ?

C’est surtout que j’adore mélanger les genres. Ce que j’aime le plus en tant que lecteur, ce sont des romans qui visitent et empruntent à beaucoup de genres, bons et mauvais d’ailleurs ! Là, clairement, on se situe dans le roman de cape et d’épée, il y a des combats d’escrime, des courses, des fuites… Mais dans le tome 2, j’ai souhaité intégrer un mystère à résoudre par nos élèves Mousquetaires et on bascule, un temps, du côté d’Agatha Christie. C’est là que l’on s’aperçoit qu’Eva, Jules et les autres sont tout aussi doués avec leurs têtes qu’avec leurs jambes et leurs bras. Et j’ai déjà ma petite idée pour l’orientation que pourrait prendre le prochain tome de la série…

Tu glisses en effet dans le tome 2 une enquête impossible, où D’Artagnan se volatilise dans sa chambre ! Quel souvenir conserves-tu de l’écriture de cette scène ?

L’enquête impossible, le crime ou le cambriolage en chambre close, j’en raffole ! C’est un vrai plaisir pour moi de me triturer les méninges pour parvenir à rendre possible, rationnel, ce qui, en apparence, ne peut l’être. Pour la scène dans l’auberge, je me souviens avoir pris beaucoup de notes et réalisé de nombreux croquis pour préparer au mieux cette disparition “surnaturelle”. Ensuite, dans l’écriture même, il faut faire très attention car l’idée est de fournir au lecteur tous les indices qui lui permettront de trouver la solution en même temps (ou avant !) que les héros du romans. Leur fournir, mais sans trop appuyer dessus, évidemment. L’équilibre est très important dans cette affaire…


Le club des aventuriers

Qu’est ce qui t’a séduit dans ce projet ?

L’aventure, cela ne devrait pas vous étonner ! Avec L’Ecole des Mousquetaires, je me plaçais dans l’ombre tutélaire de Dumas, et là, dans cette de Jules Verne, un de mes romanciers préférés, dont j’ai dévoré tous les romans lorsque j’étais adolescent.

Quelle était la charte de départ à respecter ? Comment est née l’idée de rajouter au roman deux cahiers d’aventures sur mesure ?

Il n’y avait pas réellement de charte à respecter puisque j’ai conçu l’idée du Club des Aventuriers, son fonctionnement, etc, avant de la partager avec Mike, Jessica et Annika Horn. Nous en avons ensuite discuté tous ensemble, avec Xavier d’Almeida et Natacha Derevitsky, mes deux éditeurs, afin d’affiner le plus possible le concept et je me suis lancé dans l’écriture. Une phrase revient souvent chez Mike “Etre acteur de sa propre vie”. Je souhaitais vraiment que ces romans prennent en considération cela. Alors j’ai proposé de rendre le roman hybride et d’incorporer à deux reprises, dans un texte classique, deux parties interactives où le lecteur doit faire les bons choix pour continuer sa lecture. 

Tu affectionnes la création de livres dont vous êtes le héros : une particularité lorsqu’on en conçoit un, en si peu de pages ?

Oui, pour moi, ce sont deux mini-livres dont vous êtes le héros. Le premier permet au lecteur de vivre une compétition sportive sur l’île de Porquerolles, et le second le lance à la recherche de Yon, une jeune Coréenne membre du Club des Aventuriers qui a disparu sur les rives du Lac Victoria, au Kenya.

Quelle expédition t’a le plus amusé à écrire ?

Toutes ! Pour donner le plus de véracité à chaque expédition, j’ai choisi des lieux que je connaissais, sur lesquels je me suis rendu, et que Mike avait déjà traversé. A une exception près : le grand nord canadien. Là, j’ai travaillé grâce aux témoignages de Mike et de ses deux filles car il s’agissait de romancer une de leurs expéditions familiales.

Aurais-tu aimé rejoindre les Aqua lors de tes années de primaire ?

Ah oui, bien évidemment ! Surtout, d’ailleurs, pour mener à bien la seconde mission, celle que les lecteurs découvriront dans le tome 2, un véritable tour du monde à la recherche de cinq espèces animales en voie d’extinction. Là, on est vraiment dans l’expédition à la Jules Verne, mais au XXIème siècle, un tour du monde en… huit jours ! Tel est le défi lancé par Atticus Friday, “l’ennemi” de Mike Horn. Si un groupe de jeunes Aventuriers parvient à ramener en un temps record un reportage sur cinq des espèces en voie d’extinction, alors il renonce à construire un épouvantable complexe de loisir au milieu du désert de Californie. L’enjeu est de taille pour nos jeunes héros… Et je précise que leur tour du monde est entièrement compensé pour leurs émissions de CO2… Cette série est résolument engagée pour l’écologie.


Dans ces deux séries, un cadre est imposé. Quel effet provoque cette contrainte dans ta phase d’écriture ?

Pour l’Ecole, c’est une période historique qui est imposée, ainsi que quelques personnages. Pour la seconde, en réalité, j’ai travaillé en toute liberté. Franchement, je n’ai rien vécu lors de mon écriture qui ressemble à des contraintes. Je crois réellement que je serai incapable d’écrire sous de trop grosses contraintes. Il faut que j’adhère à tout pour me lancer !

Que ce soit au sein de l’école ou du club, des groupes d’enfants solidaires gravitent.  Comment procèdes-tu pour animer de si belles galeries de personnages ?

C’est, en effet, une des gageure des deux séries. Avant de me lancer dans l’écriture, je travaille mon groupe en profondeur, avec des fiches de personnage, à propos de leurs caractères, de leurs évolutions tout au long de la série… Plus on multiplie les personnages et les scènes en groupe, plus c’est complexe à écrire, notamment en ce qui concerne la tenue des dialogues. Je travaille avec une vue d’ensemble à chaque fois, que j’imprime dans mon esprit. Je dois être au calme, je m’isole, et je laisse mes personnages s’animer. L’un parle forcément avant l’autre, un plus fort, l’autre n’intervient qu’à la fin, selon leurs caractères. Il y a parfois des ratés que je corrige ensuite à la relecture. Tout cela est une question d’expérience. Depuis mon premier roman pour les jeunes, j’ai pris le parti de créer des groupes. Alors, disons que je gagne en expérience de superviseur littéraire… J’espère pouvoir bientôt passer mon diplôme du BAFA des lettres ! 


L’école des Mousquetaires
Bertrand Puard
Editions Pocket Jeunesse
Le Club des aventuriers
Bertrand Puard
Editions Pocket Jeunesse