Un entretien avec Patrick Blanchette

Scénariste, auteur, illustrateur… Patrick Blanchette a donné vie à une nouvelle héroïne de BD Jeunesse : Aube du monde des rêves.
La lecture de ce premier tome nous a enchantées, et nous a donné envie de l’interroger sur la création de cet univers onirique et singulier, la construction de sa belle galerie de personnages… et en lui demandant une avant-première sur la suite du Réacteur onirique. Entrez dans les coulisses de cette nouvelle série, en compagnie de son créateur.

Comment vous est venue l’idée du scénario d’Aube du monde des rêves ?

Aube du monde des rêves est née il y a environ 8 ans à l’occasion d’un concours intercollégial de bande dessinée. Il fallait faire une petite BD de quatre pages et j’avais en tête le concept d’un marchand de sable et de son assistante qui défendent leur usine contre des attaques des cauchemars. Le projet était très différent à l’époque ; l’assistante ne s’appelait pas Aube et n’était pas humaine. La BD a tout de même remporté la deuxième place au concours. Je crois qu’à l’époque je venais de voir le film Les cinq légendes et j’avais été frappé par le nombre d’histoires qui réinventaient le père Noël et je trouvais que le marchand de sable avait un potentiel inexploité.

Par la suite, j’ai commencé des études en animation à l’université, et cette idée a continué de me tourner dans la tête. Le projet portait alors le nom de Rêvolution et j’étais déterminé à en faire une série animée et à concevoir un épisode pilote comme film de fin d’études. Au cours de mes trois années d’université, j’ai construit la bible du projet, écrit le pilote et entamé sa production. Au début de mon dernier semestre, j’ai reçu une offre d’emploi avec Mercury Filmworks pour travailler comme animateur 2D sur la série télé Raiponce de Disney. J’ai déménagé à Ottawa et j’ai terminé mes études à distance, mais l’épisode pilote, lui, n’a jamais pu être complété.

Après un an de travail intensif chez Mercury Filmworks en tant qu’animateur, j’ai changé d’emploi pour me lancer en storyboard, ce qui était mon objectif depuis le début. Comme j’avais un peu plus de temps libre, je me suis replongé sur le projet d’Aube qui s’appelait alors Dreamland Dawn. J’ai revu les designs, mis la bible à jour et écrit les grandes lignes d’une saison complète de la série. Au Festival international du Film d’animation d’Ottawa, j’ai présenté mon projet à plusieurs producteurs qui m’ont encouragé à adapter ma série en roman graphique afin de me construire un public. Peu de temps après, je déménageais à Montréal pour un nouvel emploi et sitôt arrivé, j’envoyais des dossiers à deux éditeurs québécois, dont Presses Aventure, avec qui j’ai finalement signé un contrat.

Comment passe-t-on d’un scénario de dessin animé à celui d’une bande dessinée ?

Transposer mon concept de série animée en bande dessinée n’a pas été trop compliqué. Les grandes lignes sont demeurées les mêmes. Le tome 1 est une adaptation d’un script d’épisode que j’avais écrit. Bien entendu, j’ai dû modifier certains éléments. Par exemple, l’épisode pilote que j’avais initialement rédigé contenait un moment sans dialogues soutenu entièrement par de la musique. Évidemment, la même chose n’est pas tout à fait possible en bande dessinée.

Heureusement, mon récit est divisé en arcs thématiques qui correspondent environ à une demi-saison de dessin animé et à environ quatre albums de bande dessinée. Les médiums sont différents et, dans les deux cas, il faut prendre des décisions judicieuses et choisir ce que l’on veut montrer pour que chaque personnage puisse briller comme il se doit dans le temps qui lui est imparti. Le fait de connaître le point d’arrivée thématique de chaque segment de l’histoire me guide et m’aide à atteindre ma destination.

Quelle est votre source d’inspiration pour la création de Solcolline et de son industrie du rêve ?

D’une certaine manière, je pense que d’avoir été élevé à Baie-Comeau, une ville du Québec où l’industrie du papier emploie une bonne partie de la population, a contribué à la conception de Solcolline, où tout tourne autour d’une seule usine. Lorsque l’on parle d’une industrie du rêve, on parle d’un contraste évident. D’un côté, le terme «rêves» évoque l’imaginaire, la créativité, les passions. De l’autre, le terme « industrie » rappelle la rigidité pragmatique d’une usine, la commercialisation d’un produit, la poursuite du profit, la culture corporative, la corruption et tout ce qui en découle. C’est ce contraste qui est au cœur de la ville de Solcolline. Quand Aube observe la ville par la fenêtre de sa chambre, elle a le regard fixé sur le réacteur doré qui teinte le ciel de nuages multicolores et, pour elle, il n’y a rien de plus inspirant. Mais qu’est-ce qui lui échappe ? Que cachent ces grands changements qu’a apportés le réacteur onirique ? Qu’est-ce qui a été perdu ?

Dans ce tome 1, vous avez créé un bel univers graphique. Comment travaillez-vous ? Quelle technique utilisez-vous ?

Pour le tome 1, j’ai fait mon crayonné et mon encrage à la main avec un crayon à mine bleu pâle et des stylos à pointes Staedtler pour l’encrage. Je dessine en format 25,7 cm par 36,4 cm. Les pages encrées sont scannées, puis assemblées et colorisées avec Photoshop. Finalement, le montage est fait avec InDesign. Je divise mon travail en six étapes : script, crayonné, encrage, couleur de base, ombrage et montage. Je fais une étape sur l’album au complet avant de passer à la suivante.

Pour le tome 2, j’ai commencé à faire mon crayonné dans Photoshop, simplement pour sauver du temps. Mon encrage demeure fait à la main, alors je ne m’attends pas à ce que ça paraisse sur le rendu final.

Comment avez-vous construit votre galerie de personnages ?

Mes personnages sont créés en fonction des thèmes que je veux aborder à travers mon récit, et je cherche à les faire contraster sur au moins un aspect fondamental avec Aube et à leur donner des points de vue distincts.

Aube elle-même est née de mon propre parcours d’artiste. Elle est imprégnée de mes qualités, de mes défauts et de mes erreurs. C’est une enfant déterminée et vaillante qui veut atteindre son but plus que tout, mais elle est aussi arrogante, maladroite socialement, impatiente, convaincue de tout savoir.

D’ailleurs lequel vous amuse le plus de faire vivre à travers vos dessins ?

J’aime tous mes personnages et je veux donner à chacun l’attention qu’il mérite, mais pour le tome 1, j’ai eu beaucoup de plaisir à dessiner Wendy. Sa nonchalance est si opposée à l’ambition sans limites d’Aube qu’il y a un constant potentiel humoristique et émotionnel dans leur relation.

Sur une note moins sérieuse : la chevelure d’Aube est inspirée d’un derrière de Chocobo de Final Fantasy, les vêtements de Volt rappellent Toad de Super Mario Bros. et l’apparence de Marshall a été inspirée par le Ice King d’Aventure Time.

Vous avez fort bien posé l’ambiance et le décor dans Le Réacteur onirique : pouvez-vous nous dévoiler un scoop prévu dans la deuxième aventure d’Aube ?

Dans Aube et le Festival des esprits, la plaza extérieure du réacteur sera transformée pour accueillir le carnaval annuel célébrant l’ouverture de la brèche et la connexion du monde des humains et de celui des esprits. C’est dans cette ambiance festive que les lecteurs et lectrices exploreront la ville des humains. Par l’entremise d’un nouveau personnage mentionné dans le tome 1, ils découvriront aussi la dynamique qui existe entre les deux peuples. Tout n’est peut-être pas aussi rose qu’Aube semble le croire…


Aube du monde des rêves, tome 1, Le Réacteur onirique
Patrick Blanchette
Presses aventure
112 pages – 9782897518066 – 10,90€
parution le 27 août 2021
> dès 9 ans

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