Avez-vous déjà entendu parler de la Mary Céleste ? Partie de New York, cette goélette américaine fut retrouvée abandonnée au large des Açores le 4 décembre 1872. Personne n’a réussi à percer cette étrange énigme à l’époque, malgré enquête et expertise. Sa cargaison d’alcool était quasiment intacte, comme l’intérieur des cabines, le gréement endommagé et la cale partiellement inondée mais toujours en état de naviguer, et surtout son équipage disparu. Inspiré par ce célèbre mystère maritime, Stéphane Michaka remonte le fil du temps et imagine l’histoire de ce vaisseau fantôme…
Novembre 1872
Fuyant un quotidien sombre sans avenir, Elsie embarque à bord de la Mary Céleste à New York. Cette jeune passagère clandestine espère ainsi démarrer une nouvelle vie en Europe. A travers son journal de bord, le lecteur vit la traversée de l’Atlantique comme s’il était à bord. Il tremble lorsque des bourrasques fouettent le bateau, reprend son souffle durant les accalmies et fait connaissance de tous les membres de l’équipage. Elsie connait les risques de navigation, mais sa détermination pour retrouver sa liberté est si forte qu’elle fait taire ses angoisses de naufrage et accepte son rôle de nourrice auprès de la fille du capitaine !
Janvier 1884
James Finch, surnommé Spoty est engagé par Basil Huntley, à l’Atlantic Mutual, une des plus grosses compagnies d’assurance maritimes de la City, au Bureau des enquêtes. Une décennie est passée, et toujours aucun signe de vie des passagers de la Mary Céleste. Ce mystère a rejoint la longue liste des catastrophes maritimes inexpliquées, jusqu’au jour où un homme entre dans leur bureau avec soi-disant des informations de la plus haute importance. Il voudrait leur vendre une bouteille ternie et ébréchée contenant le journal de bord du bateau écrit par une certaine Elsie…
Eté 1865
En entendant le nom de la Mary Céleste, et ce prénom féminin, Basil ne peut s’empêcher de replonger dans ses souvenirs d’enfance à Liverpool et songer à son premier amour. Devant la curiosité et l’écoute de son jeune employé, il raconte alors la plus belle rencontre de sa vie avec une certaine Elsie dont il a perdu la trace du jour au lendemain.
Existe-t-il encore un espoir de retrouver des survivants de la Mary Céleste ? Pourquoi le capitaine Briggs, sa famille et les marins ont laissé à l’abandon le bateau ? Que s’est-il passé à bord ? Est-ce que la passagère clandestine pourrait être l’amoureuse de Basil ? Est-ce que la bouteille contient réellement une piste sérieuse qui pourrait rouvrir l’enquête et éclairer les zones d’ombre de cette triste histoire ?
Basil et Spoty vont former un charmant duo improvisé en se lançant dans une quête floue et incertaine. Au côté de son employé, Basil retrouve un regain d’énergie pour continuer à démêler le mystère de sa vie et faire rejaillir son rêve secret mis en sommeil. Ensemble, ils décortiquent les archives et les expertises, listent toutes les pistes potentielles creusées et étudiées, et élaborent de nouvelles déductions.
Imaginez des années de puzzle à reconstruire : l’éternelle recherche de la vérité en 1884, les souvenirs de Basil en 1865 et le journal de bord en 1872. Les narrations s’entrecroisent et à aucun moment, on ne se noie ou on perd le cap. On flotte se laissant guidé par autant de bouées imaginaires, nourries par l’espoir et la persévérance de nos deux héros. Chapeau pour le clin d’œil à Sir Conan Doyle qui intervient en un éclair, déjà sensible aux enquêtes impossibles et irrésolues.
Ce roman d’aventure se déguste et s’engloutit. Tantôt charmée par la plume de l’auteur ou émue par cet amour de jeunesse, tantôt absorbée par le sort tragique du bateau ou concentrée sur les énigmes à élucider, les pages se tournent au rythme des vagues et de l’avancée de l’enquête. Ce livre porte fort bien son titre poétique, qui laisse présager une émotion forte, un état brumeux et vaporeux nourri de vent et de larmes, une tragédie en pleine mer.
C’est aussi une délicieuse histoire d’amour de deux ados, naïfs et sincères semée d’embûches qui se découvre au gré d’une histoire policière. Des références historiques, littéraires et maritimes complètent ce décor époustouflant et renforcent l’intensité des intrigues entrecroisées sur des temporalités différentes. Rien n’est laissé au hasard, l’auteur glisse des indices avec minutie dans un ordre précis. La frontière entre fiction et histoire vraie est si fine que tout paraît plausible. Stéphane Michaka signe ici bien plus qu’un roman d’aventure. Son écriture méticuleuse, soignée, littéraire, visuelle, rythmée est sublimée par une riche documentation, une soif de la précision et du détail, mais aussi par une énergie spectaculaire à apporter des réponses à ce mystère, à jouer avec la temporalité des narrations et à croiser les genres.
Partons en mer sur les traces de la Mary Céleste
pour démêler le fil de la vérité.
Reviendrez-vous indemne ?
Sûrement la larme à l’œil et enseveli d’écume.
De larmes et d’écume
Stéphane Michaka
400 pages • 9782266320726 • 18 €
Editions Pocket Jeunesse
Parution le 8 juin 2023
> Dès 13 ans
Une réflexion sur “De larmes et d’écume”
Les commentaires sont fermés.