L’ogre d’en bas, une histoire juste

S’il est bien un thème difficile à aborder avec de jeunes enfants, c’est bien celui de la Shoah. Comment expliquer que les ogres et autres monstres qui sortent parfois des livres, existent « pour de vrai » ? L’album L’ogre d’en bas raconte l’histoire de la famille de Sarah. Celle-ci, sa sœur et ses parents vivent dans un appartement où des souris se promènent dans les cloisons, mais où ils se sentent bien… jusqu’au jour où les soldats arrivent dans la ville…

Tout change alors pour « les gens comme nous », les gens comme Sarah. « Les gens comme nous » n’ont plus le droit d’aller et venir dans la rue, d’entrer dans les magasins, ne peuvent plus vivre comme les autres. À ce climat anxiogène s’ajoute une autre peur, celle de passer devant le concierge de l’immeuble, homme au regard inquiétant et à la barbe noire, surnommé par la jeune narratrice L’Ogre d’en bas.

Un sombre jour, le papa puis la maman des deux sœurs disparaissent. En effet, « les gens comme nous » se volatilisent, on ne sait pas bien où, ce qu’on sait c’est qu’on ne les revoit pas… Alors que les policiers s’apprêtent à monter dans l’immeuble afin de capturer les petites filles aperçues à la fenêtre, L’Ogre d’en bas surgit dans l’appartement et dissimule les deux sœurs dans sa barbe noire, leur évitant d’être attrapées. Sarah ne lui fait pas bien confiance à cet effrayant bonhomme, mais pour rien au monde elle n’abandonnerait sa sœur, alors elle plonge dans la barbe terrifiante, terrifiante à l’image de son propriétaire… Cette barbe qui fait si peur se révèle être un cocon, cet ogre effrayant s’avère être un Juste…

Vous l’aurez compris, il est question ici de rafle de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et du comportement des personnes non juives qui pouvaient être leurs voisins, amis, commerçants, concierges… Vous adulte qui lirez cet album et qui lisez cette chronique, vous le comprenez. Le ou les enfants qui auront ce livre illustré entre les mains n’auront peut-être pas cette lecture référencée et historique. Et ça n’est pas le plus important… L’important est que le message passe. Que face à l’injuste, on peut être juste.

Les images de Barroux, traits de plume sur fond ocre avec des touches de rouge lorsque le danger rôde, puis bleues lorsque l’horizon s’éclaircit, servent magnifiquement le propos. Les « gens comme nous » portent une étoile, qui disparaît lorsqu’ils sont à l’abri.

L’histoire est délicatement raconté par Olivier Dupin dont l’écriture subtile laisse au jeune lecteur de la place : l’espace de l’imagination, de l’émotion, de la peur et du soulagement – partiel – lorsque nos jeunes héroïnes trouvent une maison où elles trouvent gentillesse et sécurité.

À chacun de s’approprier l’histoire, de développer ou pas
le contexte. C’est une histoire de liberté, que chacun peut lire librement. C’est la marque des grands que de faire confiance
aux lecteurs, si petits soient-ils !


L’Ogre d’en bas
d’Olivier Dupin, illustré par Barroux
Glénat Jeunesse
40 pages • 9782344057643 • 14,50 €
paru le 17 avril 2024
Dès 6 ans