Un pont entre nous c’est ce roman à la construction terriblement cinématographique et au sujet un peu touchy des maladies mentales. C’est surtout l’histoire de deux adolescents déjà bien cabossés par la vie, d’une rencontre sur le pont George Washington, derrière la rambarde et de quatre destins possibles. Un seul finira par un happy end…
On découvre à tour de rôle Aaron, jeune adolescent passionné de musique, sans problème apparent, un peu mystérieux avec un cercle d’amis restreint. A la mère absente, un peu déconnectée de la réalité et au père qui se cherche mais qui veut bien faire. Aaron, c’est cet adolescent pour lequel on ne s’inquiète pas plus que ça, il est juste un peu étrange. Il écrit des textes et les chante mais personne ne le remarque vraiment. Et puis, c’est un adolescent, juste un adolescent. Avec ses interrogations, ses doutes, ses tourments, ses hormones. Il avait d’ailleurs redouté le moment de son coming-out. Mais finalement, rien n’a changé pour lui. Et si c’était ça le problème ? Que personne ne s’intéresse à lui, que personne ne cherche à connaître le véritable Aaron. Pourquoi personne ne cherche à percer sa carapace et à lui demander ce qui ne tourne pas rond ? Pourquoi n’arrive-t-il même plus à parler à son père ? Pourquoi se sent-il si triste ? Pourquoi se sent-il aussi seul ?
De l’autre côté il y a Tillie. Tillie, elle, se passionne pour l’écriture, pour la poésie. Elle y transpose ses peurs, ses doutes, son histoire. Tillie est une enfant adoptée par un couple aimant qui n’arrivait pas à avoir d’enfants. Et puis, sa petite sœur, Britt, est arrivée, naturellement, comme par magie. Et depuis ce jour, rien n’est plus pareil avec son père. Si froid, si distant. Les années passent et ses amies s’éloignent. Tillie devient l’adolescente un peu bizarre, en surpoids et avec qui il ne fait pas bon de traîner. Mais Tillie est forte, elle est plus forte que tout ça. Surtout depuis ces derniers jours, elle est tombée amoureuse d’Amir. Ils se sont embrassés. Mais pourquoi alors ne donne-t-il plus de nouvelles ? Pourquoi a-t-elle regardé cette vidéo où son amie d’enfance se moque d’elle et de sa prestation sur la scène des jeunes talents ? Pourquoi se sent-elle aussi malheureuse et aussi isolée ?
Ce roman, c’est leur histoire. C’est aussi l’histoire de leur rencontre et du destin. Comment un échange de regard, un mot échangé, une main tendue, un donut peut changer tout le cours d’une vie. Mais aussi comment se taire, ne pas voir, ne pas intervenir peut aussi changer une vie à tout jamais. Bill Konigsberg signe quatre scénarios possibles. Quatre scénarios qui ont tous un point commun : le pont George Washington. Point de chute de ces deux adolescents. Quatre destins, quatre parcours, quatre possibilités, leurs conséquences et un unique happy end.
Bill Konigsberg surprend avec ce roman à la fois par le sujet, le suicide et par sa construction. On se plait à découvrir le parcours de vie de ces jeunes ados et à se dire que tout pourrait être si différent. C’est justement autour de ces « si » que l’auteur construit les quatre parties de son roman. Et si Aaron s’ouvrait un peu plus aux autres ? Et si on le remarquait un peu plus, et si Tillie prenait le temps de parler avec Amir et d’écouter sa mère ? Et si… avec des si, on referait le monde !
Bill Konigsberg dépeint avec justesse la psychologie des personnages et s’appuie habilement sur des personnages secondaires aussi maitrisés que les personnages principaux. Il décrit avec beaucoup d’adresse ce tourbillon intense d’émotions qu’est la traversée de l’adolescence. L’auteur remet en perspective le destin et le hasard de la vie. Ne pourrions-nous pas forcer un peu le destin de temps en temps ?
Une chose est sûre, vous ne verrez plus jamais les promeneurs sur un pont du même œil. N’hésitez pas à leur tendre la main !
Un pont entre nous
De Bill Konigsberg
Traduit par Caroline Bouet
Pocket Jeunesse
528 pages – 9782266315623 – 18€90
Parution le 5 mai 2022
> Dès 15 ans