Nous nous étions déjà un peu entretenues avec Béatrice Vincent en mars dernier, à l’occasion de la parution de Nos chemins, d’Irène Bonacina. Nous n’avions alors fait qu’effleurer son travail sur Trapèze, la collection qu’elle dirige et dont elle nous dévoile aujourd’hui ses spécificités et sa politique éditoriale.
Pouvez-vous nous parler du label « Trapèze » et de ses caractéristiques ?
Trapèze a été créé en 2016 pour rassembler sous un même nom un fonds de livres illustrés que j’éditais depuis une quinzaine d’années. Par leur forme, leur originalité narrative et/ou graphique, ces livres occupent chacun une place unique dans le catalogue. Ce qui retient mon attention, ce sont avant tout l’originalité des propositions, le refus de leurs auteurs d’épouser l’air du temps ou de copier un succès. Bien sûr, la singularité ne suffit pas, il faut aussi la « qualité du choc » qu’il soit esthétique, sensible, intellectuel et si possible les trois à la fois. Car ces albums cherchent à étonner les enfants, à les bousculer, les émouvoir, les faire réfléchir à ce qu’est le beau, inciter leur imagination à produire des correspondances, les faire voyager dans des imaginaires aussi éloignés que possible des sentiers battus. Pour tout cela, Trapèze se nourrit d’univers littéraires multiples et contrastés.
Vous entretenez une vraie relation de confiance avec vos auteurs et vos illustrateurs, comment les accompagnez-vous dans leurs différents projets ? Êtes-vous également attentive aux nouveaux talents ?
Je mène en effet une politique d’auteurs ce qui signifie que j’accompagne certain d’entre eux depuis leur premier ouvrage. C’est un immense privilège de voir se construire une œuvre au fil du temps, de suivre un travail dans sa progression. La nature de cet accompagnement est bien sûr différente pour chacun, il faut s’adapter à des besoins spécifiques : savoir parfois rester en retrait tout en étant disponible au moment attendu, ou, d’autre fois, pouvoir intervenir en continu, être là au quotidien en conseils et en encouragements.
Je suis très attentive aux propositions de jeunes auteurs et c’est toujours palpitant de pouvoir publier un premier album.
Vous publiez également des albums étrangers, comment les choisissez-vous ? Pouvez-vous nous parler notamment de Qu’attends-tu ?, cet album de Britta Teckentrup qui nous a beaucoup touché ?
Je choisis peu de livres étrangers car je ne publie que 10 à 12 nouveautés Trapèze dans l’année. Aussi je préfère laisser la plus grande place à la création pour mener à bien la politique d’auteurs dont il est question plus haut. Mais il est très difficile de renoncer à un très bon livre et je fais parfois une exception lorsque l’un d’eux semble en tous points correspondre à l’idée d’une littérature que je veux promouvoir dans Trapèze, comme c’est le cas pour le livre de Britta Teckentrup. Qu’attends-tu est selon moi un livre « d’images philosophiques ». Il s’adresse à tous et ne fait pas de hiérarchie entre les grandes et les petites questions dont l’autrice souligne le sens et l’importance avec des images fortes. Sans jamais donner de réponses, Qu’attends-tu ouvre au contraire la voie à une multitude de réflexions et invite l’enfant à se plonger en lui-même…
Quels sont les projets que nous aurons la chance de découvrir en 2020 ?
De nombreux habitués du catalogue seront présents dans le programme 2020.
Dans l’ordre de parution : Bernadette Gervais avec un livre sur le temps pour les tout-petits ; Janik Coat avec un imagier de l’amour à savourer de 3 à 103 ans ; Bastien Contraire s’attaque (enfin) aux contraires dans un livre à système. Mais aussi trois splendides albums de Laurie Agusti, Roxane Lumeret et Aurore Callias. À l’automne, notamment un livre animé sur la danse de Annabelle Buxton. Il y aura également de nouvelles arrivantes comme Fanny Dreyer en mai ou Julie Safirstein en fin d’année. Et bien sûr, des surprises !