Avec Août 61, Sarah Cohen-Scali continue le travail de mémoire entamé avec Max (éd. Gallimard Jeunesse), où l’on découvrait le terrible programme Lebensborn imaginé par les Nazis, et Orphelins 88 (éd. Robert Laffont), qui nous emmenait à la rencontre de tous ces orphelins jetés sur les routes au lendemain de la libération de l’Allemagne. Presque suite directe, Août 61 s’étire sur une période plus longue pour évoquer le sort de l’Allemagne après la guerre, à travers le récit d’une histoire d’amour…

De nos jours, Ben est un vieil homme atteint de la maladie d’Alzheimer. Alors que tout se mélange dans son esprit, il est visité par Beniek, le petit garçon juif polonais qu’il était en pleine Allemagne nazie ; puis par Junior, l’adolescent recueilli en Angleterre ; et enfin Beni, l’homme adulte qui vit à Paris et voit s’élever le Mur de Berlin. Toutes ces visites du passé n’ont qu’un seul but : savoir ce qu’il est advenu de Tuva, cette gamine issue du programme Lebensborn norvégien qui s’est retrouvée dans le même orphelinat que Beniek et dont il est tombé follement amoureux.

A travers cette narration originale, où la parole n’est jamais donnée au vieil homme, ses différents visiteurs vont reconstituer son histoire et découvrir si Ben a fini par retrouver Tuva. Si les allers-retours entre le 20e siècle et le 21e sont au départ très nombreux, nous invitant à réfléchir sur l’extrémisme, les camps de personnes déplacées, les murs érigés dans le monde, etc., les parallèles s’estompent peu à peu pour se concentrer uniquement sur l’histoire de la construction du Mur de Berlin, le 13 août 1961, et la vie en Allemagne de l’Est.

Un récit passionnant au cœur de l’histoire européenne, qui évoque le rêve socialiste que fut pour certains cette séparation de l’Allemagne, avant de se transformer en cauchemar. Et en parallèle, cette histoire d’amour, qui se mêle à tous ces changements politiques, comme un fil d’Ariane dans la mémoire de ce vieil homme. Une histoire d’autant plus touchante qu’elle est marquée par les promesses, les absences et les souvenirs, parfois douloureux, parfois porteurs d’espoirs. On se laisse emporter dans cette mémoire d’une vie, ce témoignage d’une Histoire prégnante pour de nombreuses générations.

 
Août 61
Sarah Cohen-Scali
Albin Michel Jeunesse – collection Litt’
9782226445445 – 19€
parution le 2 octobre 2019
> dès 14 ans