Entretien avec Stephen Carrière

La publication des Chroniques de Prydain se poursuit comme prévu tout au long de l’année 2020 ! Après Le Livre de trois et Le Chaudron noir parus en janvier et février 2020, arrivent bientôt sur table Le Château de Llyr et Taram, le chevalier errant à la fin du mois de juin. À cette occasion, nous avons interrogé Stephen Carrière sur son goût pour la littérature ados et notamment la littérature de l’imaginaire, et sur ses deux lancements importants de cette année.

Éditeur de littérature adulte, comment vous est venue l’idée d’ouvrir vers les ados et le Young adult ? Quel a été votre premier titre ?

J’ai toujours été passionné par la littérature jeunesse et ado. J’avais d’ailleurs publié un inédit de C.S.Lewis en 2011 (Tant que nous n’aurons pas de visages). Mais c’est le parcours de lectrice de ma propre fille qui m’a le plus motivé à en faire une partie importante de mon métier d’éditeur. Une sorte d’appel au combat. À force de répéter que la qualité de ce que nos enfants lisent est primordiale, autant prendre ses responsabilités et aller au front. Nous avons ouvert notre déploiement jeunesse avec La fille qui avait bu la lune de Kelly Barnill. Le succès commercial et le Prix Millepages nous ont donné du vent dans les voiles.

Ce catalogue est comme une petite boîte de pépites, avec uniquement des coups de cœur : que recherchez-vous en premier dans un texte ?

Très simplement une ambition romanesque. Avec la trilogie Starpoint de Marie-Lorna Vaconsin ou La Fille qui avait bu la lune (pour prendre un exemple français et un exemple US d’auteures contemporaines), j’ai la certitude de proposer des romans qui sortent très nettement du lot.

Un mot, un seul pour décrire votre métier ?

Orpailleur.

Quel a été le déclic pour rééditer les Chroniques de Prydain ?

J’ai lu il y a deux ans les Chroniques en V.O. après avoir découvert (par hasard) que Lloyd Alexander avait reçu la Newberry Medal longtemps avant que mon autre auteure, Kelly Barnhill, n’en devienne la lauréate. J’ai été frappé par la qualité littéraire et la modernité de Prydain, encore plus surpris que la saga n’ait jamais été traduite en intégralité en Français.

Aviez-vous vu Taram et le chaudron magique avant de publier la série ?

Il y a si longtemps… je me souviens que le film m’avait fait peur.

Qu’est-ce qui vous a le plus séduit dans l’écriture et l’intrigue de Lloyd Alexander ?

Trois choses. La première, c’est la densité de l’univers. L’auteur est un lettré qui puise dans les légendes gaéliques la matière d’un univers cohérent et magnétique.

La deuxième : une forme d’humour humaniste. C’est ce qui frappe dès le premier tome. En suivant les aventures de Taram et sa bande, on s’amuse beaucoup alors même que l’auteur n’a pas peur de nous secouer, effrayer, émouvoir… quand il le décide.

Enfin, la modernité des valeurs. Il fallait l’esprit de fronde des années 60 pour oser substituer aux valeurs héroïques omniprésentes dans la Fantasy des idéaux comme l’empathie, le doute, la quête de son identité (et non de ses origines).

Dallben s’adresse toujours à Taram avec sagesse, humanité et perspicacité. Pouvez-vous rebondir sur cette citation ?

« Parfois, on en apprend davantage en cherchant en vain une réponse qu’en la trouvant » « Nous n’accomplissons jamais aucune de nos actions totalement seul. Il y a une part de nous dans tous les autres, et tu es bien placé pour le savoir. »

Le livre des trois • Les Chroniques de Prydain • page 232

Taram est un héros totalement à part. Il n’est pas un anti-héros puisqu’il aspire aux valeurs héroïques, mais il est un héros profondément moderne dans le sens où ce n’est jamais lui qui « accomplit » les exploits. Il n’est ni le plus fort, ni le plus sage, ni le plus courageux. Son talent est de douter de tout sauf de la loyauté à ses amis et d’inspirer le leadership justement parce qu’il incarne ce « souci constant des autres ».

En lisant la série dans sa globalité, on note le caractère unique de chaque tome et de son appartenance à un ensemble. Pouvez-vous parler de l’habile construction de la série et de la tournure que prend la quête de Taram au fil de ses aventures ?

C’est tout à fait prodigieux ! Les 3 premiers tomes peuvent être décrits comme un cycle de fantasy qui progresserait du plus léger au plus dense. Le tome 4 offre un conte philosophique digne de Khalil Gibran. Le 5 est une apothéose héroïque très émouvante.

Cette année, vous publiez la pentalogie de Prydain, et en parallèle la fin de la trilogie du Projet Starpoint. Racontez-nous ces lancements un peu perturbés avec le confinement.

On a l’impression que les livres qui ne sont pas des best annoncés n’ont plus de place dans des librairies fragilisées. On n’a pas cessé de remporter des victoires qualitatives dans les deux derniers mois, retours de lecture de libraires, de bibliothécaires, on a même obtenu de la presse laudative, mais les mises en place des tomes 3 et 4 (juin-juillet) ont été divisées par 2 ou 3.

Ça restera entre nous promis : quel est le prochain projet sur lequel vous planchez ?

Relancer en octobre notre autre grande série Alex Verus dont nous allons publier le 6e tome.